Nombre de méthodes utilisées afin
d’identifier les intérêts professionnels s’appuient sur la théorie de John
Holland. Si cette approche a connu un succès certain auprès des professionnels
de l’orientation depuis quelques décennies, il s’avère qu’elle présente
aujourd’hui quelques limites dans un
monde devenu de plus en plus rapidement changeant. L’époque actuelle n’est en
effet plus au choix d’une profession pour la vie et la question de l’orientation ne peut
définitivement plus se conjuguer qu’au
singulier.
L’orientation
au pluriel !
La jeune génération a clairement
intégré le fait que l’environnement professionnel, à quelques exceptions près,
évolue de manière particulièrement rapide voire brutale. Le Ministère du Travail américain estime
ainsi que les personnes qui suivent actuellement des études, auront exercé
environ 10 à 14 emplois différents une fois parvenues à l’âge de 38 ans.
Emergence
permanente de nouveaux métiers.
Comme le souligne également le Ministère du Travail
américain, les dix métiers qui recrutaient le plus en 2010 n’existaient pas
encore en 2004. Ce phénomène semble clairement se confirmer aujourd’hui encore,
bousculant ainsi sérieusement la conception traditionnelle des métiers que
suggérait John Holland il y a plus d’un demi-siècle.
Alors, face à un univers professionnel devenu aussi incertain comment l’individu peut-il
identifier les métiers qui seraient susceptibles de lui convenir ?
Le concept de métier est-il d’ailleurs toujours
aussi pertinent ?
Changement de paradigme :
concilier histoire de vie de l’individu et évolution rapide de la société.
Pour notre part, Il nous semble particulièrement
intéressant, dans le cadre d’un
accompagnement de carrière, non pas d’inviter l’individu à réfléchir à partir des
représentations (forcément numériquement réduites et généralement partielles) qu’il
possède des différents métiers mais bien de l’inviter à revisiter son histoire
personnelle au travers des diverses expériences qui ont jalonné son chemin pour
en tirer un enseignement sur ce qui pourrait constituer précisément la suite de
cette histoire en terme d’activités professionnelles. Cette histoire
personnelle est ainsi examinée en détail à l’aune de deux indicateurs qui
s’avèrent particulièrement utiles : le sentiment d’efficacité personnelle éprouvé
par l’individu lorsqu’il exerçait telle
ou telle activité et l’intérêt que cette
activité suscitait chez lui. Des expériences significatives aux yeux du sujet sont
par conséquent extraites de sa sphère professionnelle et de sa sphère privée. Chacune
d’elles est considérée comme un patchwork composé d’activités
(*) qui, pour certaines, laissent un souvenir agréable généralement associé à
un sentiment d’efficacité élevé,
d’autres, non. Le travail biographique ainsi entrepris en reconstituant ces patchworks issus du passé conduit la personne
accompagnée à s’engager dans une véritable démarche réflexive qui lui permet de
dégager progressivement le fil rouge de
ses intérêts personnels et de leur évolution. Lui est ensuite proposée d’imaginer la suite de l’histoire, le patchwork suivant, ainsi que
les différentes activités qui le composent. Pour élaborer ce patchwork idéal,
il est naturellement possible de réutiliser des pièces (activités) issues
d’anciens patchworks, il est également possible d’utiliser des pièces
totalement nouvelles que la personne peut emprunter à son environnent. Il peut par exemple s’agir
de pièces correspondant à des activités exercées par un parent ou une relation
personnelle et que l’individu n’a pas forcément encore eu l’occasion d’exercer
lui-même mais qui l’attirent.
Une fois le patchwork idéal
élaboré, l’intéressé est invité à lui donner un nom en fonction des activités
qui le composent. Généralement, une correspondance est facilement établie avec
un métier existant et qu’il est par conséquent aisé de nommer. Dans d’autres
cas, la composition du patchwork idéal ne correspond à aucune activité
professionnelle « traditionnelle ». Il convient alors pour
l’intéressé de faire preuve d’imagination pour qualifier sa production. Il est
à noter à cet égard, qu’un travail en groupe s’avère dans bien des cas
particulièrement fructueux car favorisant l’émergence non seulement
d’expériences originales mais également d’idées nouvelles. Un patchwork idéal peut néanmoins parfaitement correspondre à un
besoin émergent en passe de se voir attribuer une appellation originale par le
corps social. C’est précisément ce à quoi s’attache depuis quelques temps
Anne-Caroline Paucot qui, usant de néologismes décalés, travaille à l’élaboration du « Dico
du futur », ouvrage collaboratif et évolutif destiné à présenter les métiers de
demain. A l’instar de cet auteur qui estime que «le fait que lorsqu’on nomme une chose ou un
concept, il commence à exister », nous sommes tentés de dire
que l’élaboration du patchwork idéal
conduit à faire bouger les lignes, à faire émerger de nouvelles activités
professionnelles qu’il est effectivement particulièrement important de nommer tôt ou tard. En
organisant des ateliers prospectifs sur
les métiers Anne-Caroline Paucot contribue de manière originale à ouvrir des
perspectives particulièrement
intéressantes pour les concepteurs de
patchworks qui participent régulièrement à nos formations (**). Les deux
approches sont en effet parfaitement complémentaires dans la mesure où d’un
côté on s’appuie sur des recherches, des innovations et des expérimentations en
cours et, de l’autre, sur les éléments biographiques d’une personne en quête
d’une évolution professionnelle harmonieuse en accord avec les besoins de la
société. C’est d’une certaine manière la rencontre tant attendue entre deux
visions du monde véritablement complémentaires, l’une d’essence sociologique et
l’autre, psychologique.
David J. BOURNE
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OTT Partners: éditeur de la première méthode constructiviste utilisée par les professionnels de l'orientation et du conseil en évolution professionnelle. |